mercredi 2 mars 2016

L'ENTREPRENEURIAT SOCIAL EST LA SOLUTION

Photo de Miguel Royal
MARC-ANDRE LEDOUX, Multi-Entrepreneur social
Né pour entreprendre, M. Ledoux est un québécois installé au Sénégal depuis 2006. C’est un chef d’entreprise hors du commun. Il dirige trois entreprises « sociales ». De l’édition en passant par l’écologie pour l’investissement, il tente de démontrer la viabilité de ce type d’entreprise. Il nous reçoit dans les locaux de Jokkalabs dans le quartier Sacre cœur 3 de Dakar. Il nous livre sa  conception de l’entrepreneuriat social à travers cette interview.

Marc-André Ledoux, Expliquez-nous ce qu’on entend par entrepreneuriat social ?
Moi, j’ai une conception de l’entreprise sociale qui pourrait ne pas être ce qui se dit habituellement ou ce que vous connaissez. Avec le Consortium Africain pour l’Entrepreneuriat Social, j’ai rédigé la charte africaine pour l’entrepreneuriat social. C’est un document qui expose ma vision sur le sujet. En effet, l’entreprise sociale vise également le profit. « Social » ne veut pas toujours dit « gratuité » comme les gens le pensent. Ce n’est pas une entreprise humanitaire (Ong, etc.). Elle doit chercher la rentabilité tout en ayant d’impact social. C’est une logique dialectique. L’entreprise sociale est à but lucratif. En claire, l’entrepreneuriat social se base la gestion participative et l’équité pour un développement authentique. C’est une réponse endogène à la situation d’un milieu précis. C’est une alternative pour le développement économique et social.

Comment est-ce que vous divulguez cette conception de l’entreprise sociale ?
Le tout ne suffit pas de théoriser mais il faut aussi se mettre à la pratique. Donner l’exemple. C’est pourquoi, j’ai crée pour le moment trois entreprises qui roulent avec les règles de l’entreprise sociale telle que je l’ai énoncé. D’abord, il y a les Nouvelles Editions Numériques Africaines (NENA) pour diffuser des contenus écrits purement africains grâce à la Librairie numérique Africaine que nous avons mise en place. Ensuite, j’interviens dans l’énergie domestique avec le développement des équipements pouvant utilisés des combustibles écologiques (fours, réchauds, …). En plus, j’ai installé une société d’investissement pour insuffler un nouveau développement économique sur le continent à travers la multiplication des entreprises sociales. Il s’agit des Entreprises Sociales d’Afrique (ESA).
Mais aussi, j’anime des conférences. Par exemple, en juin 2015, la Fondation Rosa Luxembourg a consacré une séance de ses rencontres « Les samedis de l’économie ». Là, j’ai analysé avec rigueur les discours sur l’entrepreneuriat social. En plus, je présente aussi par moment des communications à l’Ecole Sup’Deco. Cela permet aux étudiants de mieux cerner l’importance de repenser la création d’entreprise.

Comment financez-vous toutes ces entreprises ?
Au fait, ce sont des entreprises qui se reposent sur une forme de financement qui n’est pas classique. On parle de financement social. C’est du méso-financement. L’entrepreneur social ne tend pas la main aux banques mais il développe une relation de confiance entre ses collaborateurs qui tous participent au financement de l’entreprise. C’est un financement collectif. Il peut y avoir des mécènes extérieurs mais on s’assure que les dividendes seront partagés que cela soit les bénéfices ou la perte. Les charges sont partagés quelque soit le cas. C’est une image de la finance islamique.

Connaissez-vous d’exemple d’entreprise sociale au Sénégal qui est réussie ?
Oui, je connais une entreprise sociale qui se démarque. C’est une initiative locale. Le Centre de traitement de déchets plastiques Proplast. Une entreprise écologique gérée par des femmes de Thiès. Depuis sa mise sur pied en 1998, elle fait un travail véritablement social par le ramassage et le recyclage de centaines de tonnes de déchets plastique.

Quel est le profil type d’un entrepreneur social ?
L’entreprise sociale est un moyen pour résoudre les problèmes sociaux et environnementaux d’un milieu et même d’un pays voire un continent. L’entrepreneur social doit être animé de la volonté de servir sa communauté. Il doit faire preuve d’une grande curiosité intellectuelle, de tolérance, d’ouverture d’esprit, de frugalité, et de qualités éthiques. C’est une personne qui porte une vision. Il doit être un stratège et développer l’art de la pensée dialectique. C’est une personne frugale.
D’ailleurs, l’entrepreneur social peut entreprendre dans n’importe quel domaine. Il suffit qu’il décèle une opportunité rentable dans sa communauté. Que cela soit dans l’éducation, les droits de l’homme, le développement économique, etc. 
Donc une formation en création d’entreprise ne lui est pas nécessaire ?
Exactement. Peut-importe sa formation, il peut engendrer une entreprise sociale.

Avec vos expériences, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées en tant qu’entrepreneurs social ?
Tout d’abord, il faut comprendre que l’entrepreneuriat social est une passion pour moi. Donc je vois cette initiative grande. Ce qui m’amène à l’aborder avec beaucoup de circonspection et de tact. Ceci dit, je ne parle pas de difficultés mais plutôt de défis. Le principal défi est l’investissement. Les gens ne sont pas encore habitués à ce genre d’entreprise, ce qui fait qu’ils sont réticents. Il se pose alors la question de partenariat. Ensuite, il faut trouver des personnes qui comprennent la méthodologie et le fonctionnement d’une telle entreprise pour pouvoir collaborer. Ce qui n’est pas toujours évident. En quelques sortes, tels sont les défis que j’essaie de relever.

L’Etat peut-il venir en aide à une entreprise sociale ?
Ce n’est pas envisageable. L’entreprise sociale est autonome et indépendante des aides de l’Etat. Elle n’en a pas besoin. Du moins, je n’ai pas en vu de cas où l’Etat a contribué dans le montage d’une entreprise sociale. Comme je le dit souvent, les pouvoirs publics ont montré leur limite dans nos pays. De façon globale, c’est tout le système capitaliste qui s’essouffle. Ce système n’a pas d’avenir. On ne peut plus rien attendre d’eux. C’est pourquoi, l’entrepreneur social mise uniquement sur la  gestion participative. Cela implique une retro-ouverture de l’entreprise pour se financer.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire