La photographie se réalise à base de lumière. L’exposition photographique sur les expérimentations en énergie solaire au Sénégal, dans les années 1960, permet de voir ô combien lente, a été l’avancée dans ce domaine.
Le parvis de la Bibliothèque universitaire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) a reçu une exposition photographique qui a ravivé le souvenir d’un Sénégal bien lancé dans les énergies renouvelables. Inaugurée le 2 mai dernier, sous le titre de « Le Sénégal pionnier de l’énergie solaire. Des premières expérimentations thermodynamiques de Dakar aux pompes solaires de la SOFRETES 1960-1983 », elle compile des images montrant les premiers panneaux solaires conçus à l’Ecole supérieure polytechnique (ESP) ainsi que les pompes solaires installées dans des villages. Réalisées par Frédéric Caille, c’est une cinquantaine de reproductions pour la plupart inédites qui retracent cette aventure. Cette exposition a offert l’opportunité de se poser de questions sur les raisons du retard constaté dans la mise en œuvre des projets. Cette exposition devrait durer jusqu’au 30 juin mais elle a été interrompue la semaine dernière.
Occasion manquée
Au milieu ds années 1970, Dakar était devenu l'un des principaux centres de recherches en solaire au monde. Cette exposition a offert l'opportunité de se poser de questions« Il n’y a pas de développement sans innovation. Il n’y a pas d’innovation sans recherche ». Oui, c’est clair. A ces mots prononcés sur un ton ferme, Mamadou Lamine Ndiaye, enseignant-chercheur au département de Génie électrique de l’Ecole supérieure polytechnique (ESP), éclaire d’emblée, la lanterne de qui veut comprendre les raisons du « retard » du pays de la Teranga sur les énergies renouvelables ou, du moins, sur leur utilisation. Face à ses panneaux photovoltaïques installés à quelques jets de pierres de son bureau, il montre les prouesses réalisées.
L’énergie étant l’un des facteurs qui induisent les mutations dans le monde, il indexe le manque de « volonté pratique » des gouvernants dans la conception des projets, pour accompagner les recherches alors qu’il est devenu impossible de penser développement sans énergie. « Les recherches n’ont pas baissé depuis la création de l’ESP mais ce qui a toujours fait défaut, c’est l’accompagnement du pouvoir » annonce-t-il. Ainsi, l’absence de soutien financier de l’Etat est la principale cause de cette situation.
Recherche commandée
En s’appuyant sur l’exemple des pays développés, notamment la France, M. Ndiaye montre qu’il faut pour les pays africains au Sud du Sahara, et particulièrement le Sénégal, un système dans lequel les recherches scientifiques seront commandées. Il s’agira des entreprises qui mettront des ressources financières à la disponibilité des laboratoires sur des problématiques bien précises. Ainsi, « au lieu de concevoir difficilement des prototypes et ensuite ne pas pouvoir les reproduire pour leur utilisation, les solutions sont insérées dans des projets prêts à être réalisés », argumente-t-il.
Au Centre international de formation et de recherche en énergie solaire (Cifres), Abdoulkarim Mbobji, l’un des chercheurs du laboratoire donne une autre raison : « Parfois, les thématiques des recherches ne s’accordent pas avec la réalité du terrain ». En citant son propre exemple, il fustige le fait que certains travaux ne peuvent répondre aux besoins réels des populations. Il a travaillé sur les « Smart grid », système d’électricité qui permet la mise en place de « maisons intelligentes » (maisons informatisées), alors que les circuits électriques du pays ne sont pas « performants » pour envisager de telles initiatives. A quelques encablures de là, Alphousseyni Ndiaye concentré sur son ordinateur dans le Laboratoire des énergies renouvelables (Ler) de soutenir que la capacité des ressources humaines du pays peut relever les défis énergétiques présents.