« MOOLAADE »
est un film réalisé par le grand cinéaste sénégalais Ousmane Sembène. Sorti en
2004, il relate une histoire épatante
qui s’articule autour de l’excision désigné sournoisement comme la purification
des jeunes filles.
A l’aide d’un travelling, la caméra nous faire
souhaiter la bienvenue à un monsieur dont le vélo est surchargé de marchandise.
Il s’appelle Mercenaire, un ancien
militaire qui s’est reconverti en marchand chez qui le village s’approvisionne
en produit divers. C’est un dragueur. En plongé, on découvre le paysage
verdoyant du village grâce à des plans général et d’ensemble pris en
panoramique et horizontalement. Ici, les femmes s’activent et la vie suit son
court paisiblement. Mais très bientôt, un fait changera fort bien cet air.
Collé Ardo, la
deuxième femme d’un paysan prospère Ciré
parti en voyage, ‘’met sous sa protection’’ quatre petites filles qui ont fui
le Salindré : la purification
par excision. En claire, Afi, Oumy, Awa et Diatou sont
venues trouver refuge. Et, elle leur accorde le MOOLAADE, un droit d’asile sacré et inviolable qui ne peut être
annulé que par la personne qui l’a instauré. Voici l’incident déclencheur
du film qui nous entraine de plain-pied dans son deuxième acte.
Comme une poule avec ses poussins, image
montrée plusieurs fois dans le film, on comprend que les fillettes ont fait le
bon choix. Au fait, sept ans par le passé leur protectrice avait refusé
l’excision de sa fille unique Amsartou. Elle sera renforcée par la
première femme de son mari, Hadjatou dans
le combat contre les exciseuses. Après deux tentatives infructueuses de reprise
des fillettes, ces dernières se considèrent défiées par Collé Ardo et décident de
plaider leur cause auprès de Dugutigi,
le chef du village et de son conseil formé des notables, de l’iman et du griot.
Leur intention est également d’annuler le futur mariage d’Amsartou avec Konaté, le fils de Dugutigi qui s’est
visiblement enrichi de France où il se retourna. Comme un mariage avec une bilakoro (fille non excisée) n’a jamais
été célébré dans le village, il est imposé à Konaté de se marier avec sa jeune
cousine de 11 ans.
Amsartou, déçue de cette situation reproche à
sa mère de n’être pas excisée. Mais celle-ci en l’expliquant que cette pratique
l’a fait perdre deux enfants et qu’elle-même est née par césarienne, s’est
réconfortée.
Avec une musique de ton tragique, on annonce
que deux petites fugitives n’étant pas refugiées chez Collé Ardo, sont retrouvées
mortes dans un puit. Cet évènement sinistre provoqua un émoi total dans le
village. Le conseil ordonne la confiscation des radios de toutes les femmes du
village. Ils ont estimé qu’elles sont influencées par ce moyen d’information. La
goutte déborde la vase. La tension monte dans le village. Ennuyées, les femmes
se plaignent de se diktat des hommes (leur mari) qui « veulent fermer leur
esprit » affirment-elles.
Dans cette atmosphère surchauffée de
frustration, Ciré est de retour.
Sous l’influence de son frère aîné, il flagella publiquement son épouse, sa
femme préférée, en la forçant de prononcer le mot de fin du Moolaadé. « Dis-le, dis-le » vocifère-t-il enragé avec le conseil des
notables les hommes et les exciseuses. Face à ce camp, on retrouve les femmes
du village réunies ensemble et répétant sans cesse « Ne dis pas ». Et, elles ont eu raison, notre héroïne est
restée bouche bée. Tout à coup, Mercenaire vient en
hâte mettre fin à ce spectacle ignoble où fouet, sueur, pleur, rire,
compassion, haine et courage s’entremêlent à un rythme endiablé. Ce qui lui
vaut l’expulsion du village. Oh ! Quelle scène. Tournée en champ contre
champ et champ contre champ avec amorce avec des plans moyen, le réalisateur
nous offre un moment unique dans ce film qui exprime à tel point la
manipulation engendre la violence.
Ainsi, obtient-on le climax du film :
les couteaux des exciseuses désignées comme « tueuses d’enfant » sont
prises de force et jetés dans le feu mis aux radios des femmes ; Ciré quitte le clan des hommes en exclamant
que « l’homme seul ne porte par le pantalon » ; Konaté part rejoindre Amsatou contre
les menaces d’être déshérité de son père qui le frappa avec son parapluie.
L’objet se cassa. Le signe est fort. La défaite est consommée. De l’autre côté,
les femmes chantent « wasa wasa » et dansent. Elles sont
victorieuses : la proscription de l’excision est effective. Toute
résistance a un coût. Les fillettes sont remises à leur mère à l’exception de
Diatou qui, prise par sa mère à l’insu
des autres a succombé à l’excision.
Ousmane
Sembène par ce film, riche en émotion projette les réalités d’une Afrique dans laquelle les gardiens de tradition
continuent de défendre bec et ongle des rituels néfastes. Mais une lueur de
résistance émerge et annonce le changement de cap. Elle est porteuse d’espoir
pour la modernité qui s’éclore et s’approfondir avec les médias.
L’ancien
ordre est rompu, l’ordre du conservatisme aveugle dans lequel certains
africains disent que « … tout est bon, tout est à garder dans ses mœurs et
ses traditions, ses actes et ses projets ; même l’anachronique ou le
désordonné, l’immoral ou l’erreur. Tout se justifie parce que tout
s’explique. »i Le nouvel ordre triomphe, l’ordre de la dénonciation et l’abandon des pratiques
ancestraux nuisibles (l’excision, le repassage des seins, le mariage forcé, etc.),
de la promotion des droits des enfants, des femmes et de l’information. Avec un
professionnalisme sans faille sur tous les aspects, ce film est un véritable
chef-d’œuvre artistique.