Chaque année des milliers d’étudiants affluent vers l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar. Ils proviennent de toutes les régions du Sénégal. Eloignés de leurs parents et sans famille d’accueil, ils vivent sur le campus social de l’Ucad. Dans quelles conditions sont-ils logés ?
Eléments de réponse dans ce reportage.
Nous sommes au pavillon A du campus social de l’Ucad. Il y a du bruit partout. Les étudiants s’empressent dans tous les sens. Il est 9 heures. Dans l’un des couloirs, Boubacar Touré, étudiant en première année d’Anglais, est assis sur un petit matelas installé à même le sol. Il décompte tranquillement des tickets de restaurants. Dors-t-il dans ses conditions ? Il répond : « La vie sur le campus est un calvaire. Ici, il est difficile d’avoir une chambre. C’est compliqué. Moi, je fais avec les circonstances pourvu que je suive normalement les cours. C’est tout » Une moustiquaire attachée à un clou enfoncé dans le mur et une couverture pliée sur le matelas protègent M. Touré à la fois des moustiques et du froid de la nuit.
Un camp de réfugié
Non loin de là, on se croirait dans un camp de réfugiés(es). Des tentes jonchent toutes les allées de ce vieux pavillon. Avec ses trois étages peints en bleu blanc qui comportent au total quatre cent soixante-trois chambres, le pavillon A est le dortoir le plus peuplé de l’Ucad.
Un détour par la toilette du premier étage, donne du dégoût. Elle est bondée de monde. Visages graves, serviette nouée au rein et sceau d’eau en mains, les étudiants font la queue pour se doucher. Les signes d’assainissement sont invisibles. Madame Kaba Sy, femme de ménage explique la situation. « Du lundi au vendredi, une fois par jour, nous assurons de notre mieux la propreté des couloirs et des toilettes. Certains étudiants nous encouragent mais d’autres salissent au fur et à mesure qu’on travaille. » Interpellée sur les conditions de logement des étudiants, elle déplore le fait. « Je constate que les étudiants ne sont pas à l’aise dans les chambres. Ils sont trop nombreux. Ils s’entassent même dans les couloirs. Et, ce n’est pas bien pour eux »
Le constat est fait. Réservé pour deux personnes, les chambres sont occupées par dix voire quinze étudiants. Avec ses 12m2, la chambre 108A a un lavabo un peu rouillé, deux lits, une armoire à deux battants et une petite étagère. Ce décor est le même dans les autres chambres. Ces chambres sont étroites, si étroites qu’il n’est point facile d’y entrer comme dans un moulin. Tout ceci rend les conditions d’études difficiles pour les étudiants.
La sécurité, une farce
Mboulé Badji est étudiante en deuxième année de Sciences Economiques et de Gestion. Elle dénonce le manque de sécurité dans les logements et la nuisance sonore sur le campus social. «Il n’y a jamais de calme sur le campus. Les associations confrériques d’étudiants causent d’énormes nuisances sonores surtout dans la nuit quand il faut se reposer. En plus, nous sommes souvent victimes de vol de portables, d’argent et autres. Je vois que la sécurité n’est pas assurée. Au pavillon Q où je loge, nous sommes à neuf pour l’instant dans la chambre au lieu de trois.»
Le manque de contrôle strict des usagers des pavillons aggravent le calvaire des étudiants. Pendant que des vendeurs ambulants circulent pour écrouler leurs produits, des individus malintentionnés fréquentent aussi les lieux.
Mais comment les étudiants accèdent-ils aux chambres ? Nos tentatives pour amener les autorités du Centre des Œuvres Universitaires de Dakar (COUD) à se prononcent sur ce sujet sont restées infructueuses.
La chambre 39 du pavillon D présente un aspect agréable : moquette bleue, rideau, ventilateur. Nous sommes chez M. Cheikh Mbacké, étudiant en Master2 en Histoire et responsable de liste à la faculté des lettres. Il nous explique comment les chambres sont attribuées. « Vous savez depuis l’arrivée des nouveaux dirigeants du Coud, beaucoup de choses ont changé sur le campus social. Maintenant la distribution des lits est basée a priori sur des critères d’excellence. Seuls les bons résultats scolaires garantissent l’entrée dans une chambre. Par exemple, seuls les étudiants en Master et les responsables de listes logent au pavillon D »
De bons résultats
Avec les résultats de fin d’année, le Coud procèdent à une distribution par mérite aux étudiants. Ensemble avec les amicales et les listes de facultés, il attribue les lits suivant un quota précis mais inconnu. Les étudiants codifient pour accéder la chambre. La mensualité est fixée à trois mille francs Cfa. C’est un véritable chemin de combattant pour les étudiants d’arriver à ce niveau.
Le campus social de l’Ucad compte actuellement treize pavillons. En attendant que les chinois finissent la construction des trois pavillons en chantier depuis 2013, les étudiants sont invités à garder patience. On espère une amélioration de leurs conditions de logement.